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16 novembre 2007. A Strasbourg : le Parlement européen vote en première lecture une bonne directive sur l’intégration de l’aviation dans le système des quotas d’émission de gaz à effet de serre, une autre plus moyenne (mais c’est un début…) sur la protection des sols
Aviation
Dès le lundi soir a lieu le débat sur la fameuse directive dont il a beaucoup été parlé ici : l’intégration de l’aviation dans le système européen de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Mon rapport pour avis
en commission Économique et monétaire (a priori la commission la plus défavorable) a été intégré, nettement renforcé, dans le rapport que la commission Environnement avait confié à un chrétien-démocrate rhénan, Peter Liese
. Mais les lobbies de l’aviation ont manifestement labouré le terrain, et c’est par une véritable bataille d’enchères (abaissant les quotas à 70% ?, 80 % ?, 90% ?) que le Parlement renforce la directive
proposée par la Commission européenne.
Pour ma part, dans mon intervention de lundi, j’avais misé sur un seul argument, celui de la concurrence non faussée entre les différents secteurs, et entre les compagnies aériennes. Ce message a été entendu : dans les votes, nous aurons souvent – et paradoxalement – le renfort des libéraux-démocrates les plus libéraux, ceux qui veulent voir traiter l’aviation comme un secteur comme les autres. Pour le résultat, je vous laisse lire le rapport
, ainsi que mon communiqué final
.
Quelques heures après la publication de ce communiqué, je décrypte les votes nominaux, et constate qu’il n’est pas tout à fait exact. En réalité, le MoDem s’est divisé, certains, comme Marielle de Sarnez, votant plutôt comme les Verts. Inversement, si les communistes de la GUE votent globalement comme les Verts, je constate à nouveau avec tristesse que les deux Français se singularisent en votant plus « productiviste ». Cette « exception productiviste » du communisme français est vraiment désolante.
Sols
La Commission européenne a également initié le processus législatif d’un projet de directive-cadre (c’est-à-dire d’application extrêmement souple) protégeant l’ensemble des sols (contre la pollution, contre la désertification, pour la protection de la biodiversité…). C’est une initiative assez importante, sachant que les plans d’occupation des sols, par exemple, sont l’une des exceptions (avec le nucléaire) au principe majoritaire qui règne au niveau de l’Union européenne en ce qui concerne l’environnement. Sous la pression des lobbies industriels et agricoles, la droite est donc déchaînée contre le principe même de la directive. En commission des Affaires juridiques, il y a quelques semaines, c’est Jacques Toubon qui a mené la bataille, arguant que la protection des sols ne concernait pas l’Europe. Je lui avais fait observer très fermement que ça regardait tout à fait l’Europe que la France ait laissé saboter les sols de la Guadeloupe et de la Martinique par le traitement des bananeraies au chloredécone.
Le débat est d’ailleurs extrêmement intéressant, la droite (y compris des personnes de très bonne volonté) s’appuyant en effet sur le principe de subsidiarité. On entend des arguments du genre « je comprends qu’on se batte au niveau européen contre des pollutions portées par le vent, mais la pollution des sols reste totalement immobile et donc ne concerne que les États, voir les collectivités locales. » Comme si l’eau de pluie, qui ruisselle et atteint la nappe phréatique ou circule par les fleuves, n’entraînait pas la pollution des sols au delà des limites communales et nationales !
Et d’ailleurs, l’internationalisation de la pollution passe, tout autant que par l’eau ou le vent… par la circulation des marchandises ! Si en effet, dans un pays A de l’Union, une entreprise est responsable de la pollution qu’elle laisse sur le sol, alors que dans un autre pays B, la même entreprise n’aurait aucune obligation de dépolluer le sol, il est bien évident que l’entreprise aurait intérêt à s’installer dans le pays B pour exporter vers le pays A.
Non seulement les Verts et la gauche, mais aussi les libéraux-démocrates (toujours au nom de la concurrence non faussée) votent donc pour la directive, et repoussent l’opposition de la droite conservatrice. L’Europe se trouve ainsi dotée (en première lecture) d’une Loi-cadre obligeant tous les pays à veiller à la protection de leurs sols. Ce n’est pas très contraignant, mais c’est déjà ça !
Une remarque. Le lobbying des grandes associations, et notamment celles engagées dans le Grenelle de l’environnement, en faveur de la directive Aviation, a été quasi nul. Les députés n’ont reçu, dans les deux ou trois jours précédant le vote - alors que tous les jeux étaient faits, la commission Environnement s’étant prononcée, et les groupes ayant préparé leurs listes de vote - qu’un ou deux mails de l’Alliance pour la Planète proposant des mesures plus radicales qui n’étaient pas à l’ordre du jour. En ce qui concerne les sols, le lobbying a été un peu plus actif, mais est venu surtout des milieux scientifiques insistant sur la protection des sols, soumis à une crise écologique, il est vrai peu à la mode et peu médiatisée.
Dans l’ensemble, on peut dire que la société civile, et en particulier les associations investies dans le Grenelle, ont été quasiment silencieuses au moment où les députés devaient prendre des décisions. Cela donne à réfléchir. Étaient-elles « trop prises » par le Grenelle ? Ou bien n’ont-elles pas compris que la législation française, en matière d’environnement, n’est jamais qu’une transcription du droit européen, et donc que c’est au Parlement européen que ça se passe d’abord, et pas du côté de Borloo ? Ou bien encore, séduites par l’initiative du Grenelle, les associations auraient-elles oublié que finalement leurs aspirations se matérialisent de deux façons : certes par la transformation des consciences, mais aussi par la transformation des politiques publiques, et qu’elle sont donc obligées, à un moment donné, de passer le relais aux élus ?
Si cette dernière hypothèse est exacte, cette semaine aura montré un rééquilibrage entre l’écologie associative et l’écologie proprement politique, qui devra être médité. Justement, je dois participer dimanche au débat de conclusion (avec Alain Juppé !) de la Semaine sociale de France, ce grand raout annuel des cathos progressistes. Et je dois justement traiter du passage de la prise de conscience à la décision politique
…
Alain Lipietz
http://lipietz.net/spip.php?page=blog&id_breve=272